Il
pourrait sembler étrange qu'un inconnu s'amuse à critiquer les
quelques dizaines de lignes d'un autre inconnu. On a les jeux qu'on
peut. Seulement, pour reprendre la référence fièrement affichée
en tête du blog de Sercy, Debord, il y a des jeux sérieux.
Sercy (puisqu'il tient à ce qu'on l'appelle ainsi) m'a commandé une
critique du Cimetière chinois de Noyelles-sur-Mer, s'engageant à la publier quelle qu'elle puisse être, sans
y retoucher une ligne. Je l'ai pris au mot, et vous livre ce que son
petit œuvre m'a inspiré.
Je
vais me contenter, dans un premier temps, d'énoncer une série
d'évidences, avant d'en tirer les leçons qui s'imposent. Tout le
monde aura compris que le projet même de Sercy relevait d'une
impuissance foncière : impuissance de vivre, et bien sûr
impuissance d'écrire. La solution trouvée par ce dernier, le
voyage, est si banale et triviale qu'on ne s'étonne pas du piètre
résultat.
Il
est des récits d'échecs qui sont réussis. Celui-là est raté. Je
crois savoir pourquoi.
Là
où l'écriture véritable procède d'un élan, d'une nécessité,
d'une inspiration véritable et concrétisée incontinent sur la page
blanche, celle de Sercy opère une médiation ruinant
irrémédiablement toute authenticité. Je m'explique. Il n'est pas
question de contester la nécessité d'un travail postérieur à la
création, de corrections et d'ajouts. Tous les grands écrivains
procédèrent ainsi, de Montaigne à Proust. Mais, chez Sercy, trois
stades de l'écriture sont clairement identifiables : « Ce
que j'écrivais de tête », le carnet (comme le montre une
photographie), et enfin le processus d'informatisation qui conduit au
résultat final (d'ailleurs si mal mis en page…). En somme la
possibilité d'un contact
avec une intériorité profonde dont seul le style serait retouché
se trouve entravé par un travail pénible et vain. Car la vérité
romanesque, dans le processus, est irrémédiablement perdue. Qui
s'imagine une seconde que c'est la justesse de l'idée, son
adéquation à une réalité intérieure, que vise Sercy, et non les
petits effets de manche stylistiques qui ne sont qu'apparat, décorum.
Passons
sur ces listes qui n'intéresseront que quelques-uns de ses amis, ce
tableau plutôt comique mais sans le moindre intérêt littéraire,
ce titre pédant et faussement mystérieux ; parlons à
présent de cette manie de donner la plume pour se faire battre.
Sercy n'écrit pas très bien, échoue dans la moindre description,
ne parle que d'abstractions, n'a pas d'yeux pour voir, soit. La
description des friches périphériques de Saint-Valéry-sur-Somme
est à cet égard symptomatique : prenant les premiers mots qui
lui viennent à l'esprit (des métaux « rouillés », des
péniches « à quai », des usines « désaffectées »…
autant d'épithètes homerdiques bien utiles quand on n'a pas de
sensibilité), Sercy échoue à nous faire voir la moindre couleur,
la moindre odeur, la moindre impression sensible véritable. Il
évoque, dans les anneaux d'un style qu'on pourrait certes imaginer
plus désagréable, ce que tout le monde voit. Et donc, le signalant,
il s'imagine dispensé d'y remédier. Le roi se proclame nu, et se
figure qu'il n'aura plus jamais à s'habiller ! Cette
complaisance dans la critique de soi est d'ailleurs l'un des traits
les plus détestables de la « pensée » sous-jacente de
cette « écriture ».
Au
fond, et l'on voit là le peu d'instinct de l'auteur, tout est dit
dans cette photographie au miroir, dans les « sanitaires »
du « Walric » : vous ne verrez de Sercy qu'une image
inversée, affichant complaisamment son mauvais goût caractérisé
dont sa coupe de cheveux pourrait être le symbole, et où la seule
chose qu'on retiendra, au final, et le temps de passer à autre
chose, c'est un petit détail pittoresque, un sèche-cheveux pour une
tête sèche (et qu'il eût mieux valu garder froide) : inutile et certainement vain.
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