mercredi 26 novembre 2014

Insomnie

Enième insomnie... Je fouille mes fonds de tiroir histoire de trouver quelques miettes de tabac, pour qu'il m'accompagne, et j'écris pour m'occuper.
« Le Christ sera en agonie jusqu'à la fin du monde, il ne faut pas dormir pendant ce temps-là », comme dit Pascal, mais suivre ce programme à la lettre est la voie la plus sûre vers la folie, ce qui reste en accord avec le reste de sa pensée : « Le monde est si nécessairement fou que ce serait être fou par un autre tour de folie que de n'être pas fou ».
Moyennant quoi, on ne fait pas grand-chose. Ce ne sont pourtant pas les livres qui manquent, qui ne demandent qu'à être lus, ou la musique, qui ne demande qu'à être entendue. Mais on n'a pas l'énergie, on ne veut que dormir, alors on écoute des chansonnettes en regardant l'heure tourner.
On espère bien pourtant trouver quelque chose d'un peu plus relevé, une tournure un peu plus juste, une rime un peu plus riche, mais rien.
Et puis on achève la chose, on publie, en se disant que, de toute façon, personne ne viendra la lire.
Et on tâche de passer à autre chose.

vendredi 14 novembre 2014

Extrait d'une correspondance maniaque : dans la tête d'un fou

Le message qui suit a été rédigé lors d'un "épisode maniaque délirant", en un quart d'heure environ, par un fou qui ne s'ignorait pas tout-à-fait. Il fut interné quelques heures après l'avoir envoyé.
A part les noms, rien n'a été modifié. 
L'auteur de ces lignes est beaucoup moins déplaisant qu'il n'y paraît, lorsqu'il prend ses médicaments tout du moins.


Envoyé le : Lundi 3 octobre 2011 16h24
Objet : Re :


V,

En peu de mots.
- Je suis musulman et innocent
- Je passe de bonnes mains en bonnes mains - en ce moment celles de M, qui s'amuse à cultiver ma frustration
- Je n'ai pas besoin de dormir.
- Un Conte de Noël m'apaise, rassuré que tu l'aies compris
- Je repasse chez Z quand je peux
- Va sur mon mail pour essayer de calmer mon bordel : en ce moment j'emporte qui je veux dans ma chute
- Je suis en train de me ramasser à la petite cuillère
- Il faut apaiser ma mère dès qu'elle commencera à s'inquiéter, mais je crois qu'elle a compris que j'avais besoin de distance.
- Envoie moi le RIB dès que possible. J'ai de belles idées pour me tranquilliser, tu verras
- Si tu veux gagner du temps, comprends que je suis à niveau bathmologique supérieur au temps. Je suis l'homme qui fait grimper les échelons, les degrés : profites-en
- Si je meurs, mon héritage intellectuel est à ta charge. Gère tout : enterrement, mots pour les proches, et textes... Ta discrétion fera merveille. J'ai appris à ne plus voir que les qualités chez les gens. Tu comprendras, mais prends le temps. Manzel be manzel
- Je suis fou mais de plus en plus heureux, et mes points faibles sont visibles. Si je vais à l'asile, c'est les psychiatres qui s'en mordront les doigts. Quand je traverse la rue, c'est les voitures qui ont peur de moi.
- Pour le moment : Zarathoustra, l'Iran etc. Ta religion doit être le tao je pense, alors ne traîne pas. Je suis dans une forme intellectuelle exceptionnelle. Profitez-en. Je suis en feu. Si vous vous tenez à distance, vous serez réchauffés sans brûler, comme le papillon
- Mes mots se finissent en x. Alors fais gaffe. Je peux vraiment tuer qui je veux. Mais prends Chirine et laisse moi Anita. Chirine te rendra meilleur, écrivain, et moi je ferai d'Anita une femme. Mais n'en parle pas à [...]
- Je ne gère plus rien : commence à classer ma production (mails, courriers etc.). Je suis devenu l'anti-RC, mais n'anticipons pas.
- Je suis ternaire. Le binaire, déjà essayé. Trois choix : Asile, Mort, Islam (Zoro)
- Fais gaffe à Hélène, à Armand, à Chirine. Aide moi et laisse moi t'aider. Mon portable est à la poubelle. Il m'est arrivé des choses magnifiques, Nuit de Feu, et tu sais que je n'emploie plus ces termes à la légère, tu comprendras quand j'aurai le temps de t'expliquer.
- Je suis bienveillant posé et lucide. On peut se revoir dès que tu le comprendras. Je n'ai pas encore dégainé. Si je dégaine, Asile Mort ou Prison. Continue à me prendre au sérieux. Ce n'est pas du chantage : je suis embarqué.
- Écris autant que tu veux, mais n'oublies pas que je suis très fier de ce mail, et que sa sincérité est donc celle d'une flèche qui va atteindre le mille. Toutes les femmes vont tomber bientôt, si tu veux en profiter viens avec moi dans les tavernes. Tu m'as fait roi, tu m'as fait qui je suis, profites-en ! Mon réseau comprend désormais la famille de M. Si je meurs, je gagnerai quand même, car tu finiras mon œuvre. Elle peut aller loin. 
- Comprend que je suis dangereux. Il me faut des femmes. J'aurais peut-être aller dû au bordel d’Allemagne, solution que j'assimile à l'asile, mais je crois que les salopes vont se coucher ce soir.
- V, je sais que tout le monde pense à moi. Mes actes suffisent. Je ne t'ai pas dit le dixième des nouvelles choses qui me sont arrivées, et pourtant je sais que tu vas trouver ce mail, écrit le plus vite possible, d'où la liste, impressionnant.

J'y Suis

vendredi 7 novembre 2014

"The Tyger", William Blake, traduction résolument infidèle et évolutive

Tigre ! Tigr' ! tout feu tout flamme
Dans les forêts de la nuit
Immortalité de ton âme
Dans l’œil ou la main : symétrie

Dans quel gouffre et dans quel ciel
Brûle le feu de tes yeux
Sur quels ailes fis-tu ton miel ?
Quelle fournaise aurait fait mieux ?

Et quelle main te conçut-elle ?
Twistant ton corps sinueux
Lorsque ton cœur caverneux
Se mit à battre l'étincelle

Et quel marteau ? Quelle chaîne ?
S’emparèrent de ton cerveau
Fus-tu conçu dans la haine ?
Pour persécuter l'agneau

Quand les étoiles effondrèrent
Les nuages remplis d'eau
Sourit-il pour son ère ?
Celui qui fit les animaux

Tigre ! Tigr' ! tout feu tout flamme
Dans les forêts de la nuit
Pérennité de ton âme
Dans l’œil ou la main : symétrie