Ils ne savent pas toujours ce qu'ils valent, mais savent au moins qu'ils auraient pu valoir bien plus. Ils auraient pu être poète, penseur, écrivain ; ils ne sont le plus souvent qu'étudiants avant que de remplir l'une ou l'autre des fonctions que la société voudra bien leur attribuer. La vocation leur a manqué, le travail les a découragé. Ils ne sont pas grand-chose, mais se reconnaissent entre eux, au premier coup d'oeil, par des signes, infimes, que les hommes accomplis ne peuvent discerner, et que les ratés authentiques ne peuvent percevoir. Ils ont compris trop tard que tout se jouait très tôt, qu'à quinze ans on est déjà Baudelaire, ou déjà rien. Ils redoutent la lecture des biographies, qui les renseignent sur la précocité du génie, et se rêvent un destin de Michon, de grand écrivain sur le tard, scrutent les rares passerelles qui permettent de franchir l'abîme séparant la plèbe de l'aristocratie.
Ils ne leur restent plus guère que la procréation pour réparer l'affront que leur fit le destin, qu'à tout miser sur leur semence, porteuse, comme ils ne s'avouent pas le penser, de leurs prédispositions dont ils firent un immense gâchis ; croyant, aussi, que la vocation peut s'enseigner. Ils feront parfois de mauvais pères, dégoutant par leurs efforts leur progéniture des aspirations les plus nobles. Ils réussiront parfois, mais toujours malgré eux, léguant alors en fraude leur patronyme à la postérité.
Je ferais plutôt partie de la caste des trois-quarts ratés. Je me demande si l'on ne pourrait pas envisager de rattacher nos deux mouvements…
RépondreSupprimerAh non, les castes ne se mêlent pas entre elles, nos deux appartenances sont intouchables l'une pour l'autre !
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