De doctes experts prétendent avec aplomb qu'on ne peut maîtriser ses rêves, qu'on ne peut s'y rendre compte que l'on rêve, voire qu'on ne pourrait y lire.
Balivernes.
Mais... il y a un prix à payer, pour ceux qui franchissent le seuil de la normalité onirique. C'est ce que j'appris le jour où je rencontrai... mais n'anticipons pas.
Je n'écris pas pour contribuer à une quelconque théorie du rêve. J'ignore même s'il existe un inconscient, c'est dire. Je ne fais que rapporter une expérience à laquelle, je le sais, c'est ma conscience, majeure et diagnostiquée, qui se confronta.
Mes réveils sont toujours pénibles. Je me recouche, et me recouche, et me recouche encore tant que Morphée me prête sommeil, ou seulement somnolence. Mais, ce matin-là, l'excitation me tira du lit aux aurores pour griffonner, sur mon cahier virtuel, quelques notes que je m'efforce ici de rendre aussi assonnantes et profondes que mes moyens me le permettent.
Est écrivain qui veut, mais on peut l'apprendre à dure école, dans l'échec d'une volonté défaillante. Evidemment c'est faux, mais c'est aussi vrai. Tenez, pendant ce rêve, quand je me trouvais, après quelques envols en compagnie d'amis (avec qui j'avais pris rendez-vous au sein du rêve afin qu'ils me confirment, au réveil, que ce rêve avait bel et bien une dimension télépathique), quand je me retrouvais dans cette librairie où les illustrés arboraient de faux noms. Eh bien ! Que je sois damné si je n'ai pas lu le début d'un très beau livre. Je n'exclus pas tout-à-fait avoir été, encore une fois, en présence d'une réalité qui m'était extérieure, mais, mon orgueil – et ce qui me reste de lucidité – me soufflait que c'est à ma seule et prodigieuse imagination que je dus ce chef-d'oeuvre oublié.
Et cette cathédrale ! Les tenants de la Tradition voient dans cette forme d'architecture l'un des derniers ouvrage vraiment authentiquement valable (puisque, précisément, relevant d'une science sacrée en quoi consiste ladite Tradition) que l'Occident, avant sa décadence (dont ils situent les podromes au moment de la Renaissance) ait produit. Eh bien je défie ces grands architectes de la gloire divine d'égaler en beauté et ne serait-ce qu'en conception celle que je survolais à la fin de mon rêve ! J'aimerais avoir à ma disposition les moyens littéraires de mes talents de constructeur. Ces clochers, ces vitraux, ces statues, ces Christs... Quel talent ! J'espère vous avoir convaincu, avec ce maigre aperçu, qu'est architecte qui veut.
Mais mes rêveries d'insomniaque solitaire m'éloignent de ce sujet rêvé.
Reprenons.
Après avoir nonchalamment pissé, depuis les airs, sur les spectateurs d'un cinéma, je me trouvais donc dans une ville où m'apparut, à la fin du rêve, la cathédrale des cathédrales. C'est d'ailleurs ce spectacle qui me tira du sommeil, et je me réveillais, sans songer que le vieux Freud associerait volontiers ces beaux clochers à des pénis en érection.
Il faut que vous compreniez que j'étais en plein rêve lucide, en train d'en arpenter les frontières, d'en explorer les possibilités. C'est alors que, et c'est pourquoi, un groupe d'énergumènes en tenue rétro-futuristes m'interpellèrent en déclinant leur fonction : c'était la patrouille du rêve.
Ils étaient tout droits sorties de mauvais films de science-fiction dont je m'étais abreuvé. Leur rôle, évident, était de s'assurer que je ne bouleverse pas les lois du monde onirique, fonction dont ils s'acquittaient en contrôlant les illuminés dans mon genre. Mais, puisque de toute évidence je présentais les caractéristiques d'un sujet d'exception, ils entreprirent de m'enrôler au sein de leur brigade, qui partait pour Rome.
Ici mon récit prend deux directions antagonistes. D'un premier recoin de ma mémoire surgit le souvenir d'une échoppe des anti-rêves, sorte d'inverseur de polarité permettant de rêver la réalité. Je laissais partir la patrouille du rêve pour tenter cette intéressante expérience. J'exigeais de ces gens un anti-rêve heureux. En somme je voulais simplement comme d'autres une existence heureuse. L'anti-rêve en question me mit en situation d'uriner aux toilettes, scène suivie d'une sorte de zoom arrière qui me révélait la cuvette au sein d'un téléviseur vide. Je me réveillais alors, en quelque sorte, je retournais au rêve, et m'en prenais à ces marchands de réalité frelatée.
D'autres prétendent que je partis à Rome avec les patrouilleurs, où l'on m'adouba grand patrouilleur de l'Ordre onirique. Depuis j'arpente les rêves d'autrui, je scrute leurs folies, leurs déviances, je veille à ce qu'ils ne percent jamais nos secrets, qu'ils ignorent toujours le pouvoir dont ils sont secrêtement investis et que nous réservons à une poignée d'élus. Il faut parfois réveiller les plus récalcitrants, rendre leurs rêves banals, saper au sein même de leur inconscient toute velleité de lucidité. C'est un travail ingrat, mais il faut bien gagner sa vie.
Balivernes.
Mais... il y a un prix à payer, pour ceux qui franchissent le seuil de la normalité onirique. C'est ce que j'appris le jour où je rencontrai... mais n'anticipons pas.
Je n'écris pas pour contribuer à une quelconque théorie du rêve. J'ignore même s'il existe un inconscient, c'est dire. Je ne fais que rapporter une expérience à laquelle, je le sais, c'est ma conscience, majeure et diagnostiquée, qui se confronta.
Mes réveils sont toujours pénibles. Je me recouche, et me recouche, et me recouche encore tant que Morphée me prête sommeil, ou seulement somnolence. Mais, ce matin-là, l'excitation me tira du lit aux aurores pour griffonner, sur mon cahier virtuel, quelques notes que je m'efforce ici de rendre aussi assonnantes et profondes que mes moyens me le permettent.
Est écrivain qui veut, mais on peut l'apprendre à dure école, dans l'échec d'une volonté défaillante. Evidemment c'est faux, mais c'est aussi vrai. Tenez, pendant ce rêve, quand je me trouvais, après quelques envols en compagnie d'amis (avec qui j'avais pris rendez-vous au sein du rêve afin qu'ils me confirment, au réveil, que ce rêve avait bel et bien une dimension télépathique), quand je me retrouvais dans cette librairie où les illustrés arboraient de faux noms. Eh bien ! Que je sois damné si je n'ai pas lu le début d'un très beau livre. Je n'exclus pas tout-à-fait avoir été, encore une fois, en présence d'une réalité qui m'était extérieure, mais, mon orgueil – et ce qui me reste de lucidité – me soufflait que c'est à ma seule et prodigieuse imagination que je dus ce chef-d'oeuvre oublié.
Et cette cathédrale ! Les tenants de la Tradition voient dans cette forme d'architecture l'un des derniers ouvrage vraiment authentiquement valable (puisque, précisément, relevant d'une science sacrée en quoi consiste ladite Tradition) que l'Occident, avant sa décadence (dont ils situent les podromes au moment de la Renaissance) ait produit. Eh bien je défie ces grands architectes de la gloire divine d'égaler en beauté et ne serait-ce qu'en conception celle que je survolais à la fin de mon rêve ! J'aimerais avoir à ma disposition les moyens littéraires de mes talents de constructeur. Ces clochers, ces vitraux, ces statues, ces Christs... Quel talent ! J'espère vous avoir convaincu, avec ce maigre aperçu, qu'est architecte qui veut.
Mais mes rêveries d'insomniaque solitaire m'éloignent de ce sujet rêvé.
Reprenons.
Après avoir nonchalamment pissé, depuis les airs, sur les spectateurs d'un cinéma, je me trouvais donc dans une ville où m'apparut, à la fin du rêve, la cathédrale des cathédrales. C'est d'ailleurs ce spectacle qui me tira du sommeil, et je me réveillais, sans songer que le vieux Freud associerait volontiers ces beaux clochers à des pénis en érection.
Il faut que vous compreniez que j'étais en plein rêve lucide, en train d'en arpenter les frontières, d'en explorer les possibilités. C'est alors que, et c'est pourquoi, un groupe d'énergumènes en tenue rétro-futuristes m'interpellèrent en déclinant leur fonction : c'était la patrouille du rêve.
Ils étaient tout droits sorties de mauvais films de science-fiction dont je m'étais abreuvé. Leur rôle, évident, était de s'assurer que je ne bouleverse pas les lois du monde onirique, fonction dont ils s'acquittaient en contrôlant les illuminés dans mon genre. Mais, puisque de toute évidence je présentais les caractéristiques d'un sujet d'exception, ils entreprirent de m'enrôler au sein de leur brigade, qui partait pour Rome.
Ici mon récit prend deux directions antagonistes. D'un premier recoin de ma mémoire surgit le souvenir d'une échoppe des anti-rêves, sorte d'inverseur de polarité permettant de rêver la réalité. Je laissais partir la patrouille du rêve pour tenter cette intéressante expérience. J'exigeais de ces gens un anti-rêve heureux. En somme je voulais simplement comme d'autres une existence heureuse. L'anti-rêve en question me mit en situation d'uriner aux toilettes, scène suivie d'une sorte de zoom arrière qui me révélait la cuvette au sein d'un téléviseur vide. Je me réveillais alors, en quelque sorte, je retournais au rêve, et m'en prenais à ces marchands de réalité frelatée.
D'autres prétendent que je partis à Rome avec les patrouilleurs, où l'on m'adouba grand patrouilleur de l'Ordre onirique. Depuis j'arpente les rêves d'autrui, je scrute leurs folies, leurs déviances, je veille à ce qu'ils ne percent jamais nos secrets, qu'ils ignorent toujours le pouvoir dont ils sont secrêtement investis et que nous réservons à une poignée d'élus. Il faut parfois réveiller les plus récalcitrants, rendre leurs rêves banals, saper au sein même de leur inconscient toute velleité de lucidité. C'est un travail ingrat, mais il faut bien gagner sa vie.
« Grand patrouilleur de l'Ordre onirique »… C'est un peu ainsi que je me vois, très immodestement.
RépondreSupprimerOn s'fait un p'tit rêve télépathique, cette nuit ?
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